Conversation d'Automne Conversations La Femme Une Femme - Une Voix

Conversation d’Automne – Juliette –

Conversation d’Automne, retour au chaud, plaid, bon livre , thé et bougies… Merci à Juliette pour ses mots, vous aller voir, c’est plein de surprises et de justesse ! Vous pouvez la retrouver là sur Instagram et là pour ses brols , sa petite brocante du quotidien. Bonne lecture,

Ne désespérez jamais. Faites infuser davantage

Henri Michaux

Chère Juliette, où es-tu, que fais-tu, qu’entends-tu ?

Chère Céline,
D’abord, merci de m’avoir proposé de participer à cette conversation d’automne ! J’en suis très heureuse et en lisant tes questions, je me suis dit que certaines étaient parfaites pour faire le point, qu’elles allaient en quelque sorte m’obliger à me les poser à moi-même et à chercher en moi des réponses.
Je suis chez moi, sur le bureau qu’on a installé dans une petite pièce de « passage » en haut de la première volée d’escaliers de notre appartement. J’entends les sons de l’extérieur qui m’arrivent. Ma rue se réveille, quelques éclats de voix s’élèvent déjà : des ouvriers travaillent un peu plus bas dans la rue.
Les bruits de l’intérieur me parviennent également : le cliquetis que font les croquettes du chat dans son bol métallique quand il mange, la machine à laver que je viens de lancer, et puis mon fils qui se réveille doucement de l’autre côté du mur – je me suis levée au moment où son papa part pour travailler (très – trop- tôt !) en espérant avoir le temps de t’écrire un peu avant qu’il ne se réveille : ça a l’air raté.


Présente-toi, qui es-tu ?

Je m’appelle Juliette, j’ai 31 ans depuis trois jours – et c’est encore très bizarre d’écrire ça, j’ai à peine eu le temps cette année de m’habituer au fait d’en avoir 30, j’ai encore envie de dire 29 quand on me demande mon âge ! Et puis aussi, je crois que dans ma tête, j’ai autour de 27 ans : je suis restée bloquée quelque part par là, peut-être parce que les années ont filé trop vite depuis, encore plus qu’avant – ou c’est simplement que j’en ai une conscience plus aigüe… Je vis et travaille à Bruxelles depuis huit ans, je suis amoureuse depuis dix ans, et j’ai un petit garçon de quatorze mois. Je suis donc maman, mais aussi femme, sœur, amie, fille, petite-fille, collègue – je me rends compte qu’en écrivant ça je ne me définis qu’en fonction de mes relations aux autres. C’est vrai qu’elles sont importantes pour moi, mais je ne me résume évidemment pas à elles. Ca montre peut-être ma difficulté de parler de moi en ne partant que de moi – comme si je ne m’y autorisais pas vraiment. Et pourtant, je le fais quand même : je tiens un blog, je n’ai pas peur de prendre la parole, j’ai un caractère assez « fort ». Mais parler de soi, se décrire, se définir de manière directe n’est vraiment pas un exercice facile ! Je me résumerai en quelques verbes : aimer, écouter, rire, lire, découvrir, observer, regarder, apprendre, danser, boire, manger, photographier, filmer, nager, jouer, parler, écrire.


L’ automne est là ! Qu’évoque cette saison pour toi ? As-tu toujours ressenti cela ?

Je me rends compte que la ronde des saisons prend plus d’importance dans ma vie à mesure que je grandis / vieillis. Je n’y étais que peu attentive avant, et ça fait seulement quelques années que je vis chaque changement de saison en conscience, que je passe du temps à observer le rythme de la nature et que je comprends et j’accepte l’impact que ces changements peuvent avoir sur mon humeur, mes habitudes.

En fait, ce que j’aime avec les saisons, c’est qu’elles existent toutes et qu’elles reviennent, inlassablement. J’aime chacune d’entre elles pour diverses raisons, et j’aime le renouveau qu’elles symbolisent.
Pour moi, chaque année vécue est vraiment différente et les saisons s’apprivoisent aussi en fonction d’où je me trouve dans ma trajectoire de vie à ce moment-là.

Mais si je dois identifier une systématique, un élément cyclique, je dirais que j’apprécie habituellement l’arrivée de l’automne pour le ralentissement
qu’elle permet : après l’effervescence de l’été où tout se passe tout le temps dehors, où on ne s’arrête pas une seconde, elle permet un retour chez soi, une sorte de repos.

Je m’y aménage habituellement des moments de cocooning : je reste au chaud chez moi avec un bon bouquin, un plaid, du thé et des bougies. J’apprécie le retour des températures fraîches – tout comme j’apprécierai grandement le retour du soleil et de la chaleur.

On essaie souvent en automne d’aller se promener dans les bois, de profiter de la nature qui nous est proche. Les lumières et les paysages d’automne sont magnifiques, et les couleurs de la nature en automne sont celles qui m’émeuvent le plus. (D’ailleurs, pour la petite histoire, on a fait un atelier de colorimétrie avec des amies et j’étais « automne flamboyant » : les couleurs de l’automne sont celles qui me vont le mieux !). J’aime ressortir les habits chauds, les jeans, les bottines, les gros pulls doux, les écharpes colorées, j’aime mettre un bonnet à mon bébé, recommencer à me/le couvrir.

La seule chose qui me manque beaucoup en automne – et encore plus en hiver- c’est la lumière. Les jours raccourcissent et l’automne a ce petit goût de mélancolie parfois : la pluie grise qui tape sur les vitres, les feuilles humides collées aux bottes, la ville sombre, les petites journées fatiguées. J’aime bien aussi parfois me laisser emporter et « bercer » par cette mélancolie. La chanson des cowboys fringants « Toune d’automne » montre un peu ce sentiment de morosité, de perte, de noirceur, de difficulté à
vivre..

Cet automne est un peu étrange parce qu’il fait suite à un printemps et un été « d’hibernation », extrêmement différents de ces deux saisons «habituelles », pour moi comme pour tout le monde. Le rythme habituel a été cassé, je n’ai pas pu profiter du monde extérieur comme je l’aurais voulu ou comme j’en aurais eu besoin – et maintenant arrive la saison où habituellement je me replie un peu. Je ne sais pas encore très bien comment je vais le vivre, j’espère parvenir à trouver un équilibre, un rythme, et éviter le sentiment d’un hiver sans fin pour cette année 2020. Les choses ont aussi été très différentes des autres années pour moi cette année parce que c’était ma première année en tant que maman, et que ça a évidemment (presque) tout changé dans ma vie.

En Automne, quel le moment du jour que tu préfères ?

C’est difficile à dire ! En automne comme en hiver, au printemps, en été, je suis plutôt du soir. J’adore la fin de journée, la lumière dorée à l’heure de l’apéro. A la fois quand je dois être très efficace et productive, je suis capable de travailler jusqu’aux petites heures – voire toute la nuit, mais c’est aussi le soir – voire la nuit – que je vis habituellement mes beaux moments : soit avec un bon livre, un bon film, un bon concert, une belle fête, un beau souper, soit seule, soit avec des personnes aimées.


Depuis que je suis maman, je n’aurais jamais cru dire ça, mais j’aime aussi le petit matin. J’aime quand je me lève très tôt, avant Maurice, et que j’ai une demi-heure au calme pour moi, boire une café, lire ou écrire un
peu, et j’aime aller dans sa chambre quand j’entends qu’il se réveille, j’aime retrouver son petit visage souriant, puis déjeuner ensemble et commencer dans la lumière du matin la journée qu’on va passer tous les deux. Je crois que les moments préférés sont surtout faits de ce qu’on y met – et chez moi ils varient beaucoup !


Raconte-moi ton quotidien en automne, tes petites habitudes automnales, en quelques mots…

C’est peut-être quelque chose qui me manque, mais j’ai peu « d’habitudes », peu de rituels à moi. Je suis plutôt du genre à n’avoir pas envie que les jours se ressemblent, à prévoir des choses différentes, à laisser de la place à l’improvisation également. Je n’ai pas vraiment cet ancrage rituel que certains et certaines mettent en place pour habiter leur quotidien.

De quelle manière « cherches » tu à te sentir bien, à aller mieux, à être heureuse ?

Je crois que la première chose pour être heureuse, c’est d’être à l’écoute de ce dont j’ai besoin et de l’évolution de mes désirs. Ca permet de rester en phase avec soi-même et de vivre une vie qui nous
convient, en se détachant de nos propres projections, des projections de l’entourage ou même de la société.

A une certaine période de ma vie, ce qui me rendait le plus heureuse était de travailler énormément (je faisais des horaires pas possibles !), et puis de sautiller dans tous les sens, d’être tous les soirs (ou presque) de sortie : théâtre, apéros, concerts, soupers, fêtes, etc. Je tourbillonnais, j’étais pleine d’énergie, je n’avais pas un moment de repos, pas un moment à moi, seule, mais ça me convenait très bien comme ça : j’étais nourrie de mes amis, de mes sorties, de ma consommation culturelle, je me sentais entière et vivante, je voulais tout voir, tout vivre, être partout, ne rien rater.

Je ne voudrais plus (et ne pourrais plus !) faire ça maintenant, mais je suis heureuse d’avoir vécu cette période. Ce qui me rend heureuse a évolué, j’ai un plus grand besoin de repli, d’être chez moi, d’être en famille, de passer du temps seule. Je continue à avoir besoin de « nourriture » sociale et culturelle, mais je la trouve d’une autre manière, à un autre rythme.

Une autre chose que j’ai apprise, je crois, pour être heureuse, est de faire la distinction entre ce sur quoi je peux avoir une prise, ce qui dépend de moi, et le reste. Le philosophe grec Epictète a développé cette idée dans un texte qui tient en une trentaine de pages et qui m’accompagne depuis quelques années.

Mon mantra a aussi longtemps été cette phrase de Christiane Singer « Ce ne sont pas les ronces qui nous blessent mais nous qui nous blessons à elles », qui rejoint un peu cette idée aussi. J’identifie d’abord ce qui me rend malheureuse. Si c’est quelque chose que je peux changer, sur lequel j’ai une
prise, alors je peux mettre en place ce qui est nécessaire pour y parvenir. Par contre, si ce qui me rend malheureuse, triste ou en colère ne dépend pas de moi, alors il faut réussir à lâcher prise, à pardonner, à accepter. Aussi difficile cela puisse être parfois, je crois que ça aide vraiment à dompter la colère ou la tristesse, sous peine de s’y épuiser et de se faire encore plus de mal.

Je peux appliquer cette « règle » aussi bien à l’échelle intime, dans les relations personnelles, familiales, de travail qu’à l’échelle « politique », extérieure. Il y a aussi parfois une zone grise, je crois, entre ce pour quoi il faut se battre pour (essayer de) le changer et en être plus heureuse, et ce sur quoi il vaut mieux lâcher. C’est là, je pense, si on parle à l’échelle « extérieure » et non plus intime, que peut intervenir notamment le militantisme : il faut se battre pour changer certaines choses, ne pas baisser les bras trop vite même quand ça semble difficile ou trop monolithique pour être déplacé, mais il faut aussi essayer de
ne pas s’y épuiser, essayer de se protéger
.


Parle-nous de ta féminité … C’est quoi pour toi, être une Femme ?

Je n’ai pas spécialement de rapport à ma « féminité », je parlerais plutôt d’un rapport à mon « être femme », qui n’est pas une mince affaire. Ces dernières années, j’ai énormément lu d’essais de penseuses, sociologues, intellectuelles féministes, j’ai aussi écouté des dizaines de podcasts qui m’ont permis d’aiguiser ma pensée féministe.

Je trouve le fait d’être une femme à la fois génial et très compliqué. Très compliqué parce que nous vivons dans un monde qui n’est pas fait pour nous, ni par nous, et qui ne cesse de nous astreindre, de nous restreindre, de nous rétrécir. Un monde d’injonctions contradictoires, de plafonds de verre, de violences, de silences et d’injustices. Mais être une femme, c’est aussi génial parce qu’en dépit ou peut-être justement grâce à tout ce que je viens de décrire, être femme permet, je crois, une appréhension différente de la réalité, une perméabilité, une empathie, une certaine approche de l’autre, un certain rapport au monde empreint de davantage de sensibilité (ne surtout pas lire sensiblerie !) et d’ouverture. En faisant l’expérience de la minorisation en tant que
femme, je me sens plus proche des autres « fragiles », des êtres vulnérables (au sens de Judith Butler), plus à l’écoute, plus disponible.

Être femme, c’est aussi être en colère, serrer les dents. Être femme, dans mon expérience personnelle, c’est aussi avoir pu porter et donner la vie – et être maintenant mère au quotidien – rôle qui prend une place immense.

Et c’est aussi parce que je suis femme qu’elle est si immense : les rôles de mère / père / parents / coparents me questionnent aussi beaucoup notamment dans la façon dont la société les définit, et j’aimerais qu’on puisse éviter l’essentialisation de la femme comme mère. Par ailleurs, je vois que les choses bougent, que les femmes et les minorités trouvent leur place – ou au moins la revendiquent, et ça me remplit de courage et d’espoir.

Et la solitude ? est-ce un moment recherché, attendu ou au contraire, subi pour toi ?

A nouveau, ça dépend un peu des moments. Je suis profondément et intensément sociable : le contact de mes amis, de mes proches me ressource et m’emplit de joie, la rencontre sociale m’intéresse et me
nourrit. Mais j’ai aussi besoin de plus en plus profondément de me retirer, d’être seule avec moi-même, de me couper des sollicitations multiples du quotidien. Être seule me permet de reprendre mon souffle.

Je viens de vivre une année étrange à ce niveau-là, collée-serrée avec mon bébé, dans une sorte de fausse solitude – jamais seule puisque toujours avec lui ; mais si peu avec les autres. Après cette disponibilité totale à l’autre, j’aspire à retrouver des moments qui soient réellement à moi seule.


Qu’évoque pour toi le féminin « sauvage » ?

C’est avant tout à la pensée de Clarissa Pinkola Estés, développée dans son livre « Femmes qui courent avec les loups » que je pense quand on évoque ce terme, et à l’empuissancement de sa théorie pour les
femmes. Il pourrait y avoir par ailleurs un risque d’essentialisation, de réduction de « la femme » à son « côté sauvage » avec lequel je ne suis pas super à l’aise… Mais ça m’évoque aussi de beaux souvenirs
de mon accouchement, la conscience de ma puissance physique, de mon incroyable pouvoir en tant que femme.

Ca m’évoque également « La sauvagerie maternelle », de la psychanalyste Anne Dufourmantelle, dont j’ai souligné de nombreux passages quand je l’ai lu, qui résonnaient avec ma propre expérience et mon ressenti. Comme celui-ci, par exemple : « Toute mère est sauvage. Sauvage en ce qu’elle appartient à une mémoire plus ancienne qu’elle, à un corps plus originel que son propre corps, boue, sable, eau, matière, liquide, sang, humeur, à un corps de vierge céleste aussi. Sa langue vient avant la langue ; elle est pur rythme, avec ses blancs, ses effacements, ses impossibilités à dire, à savoir, à comprendre. »

A quels moments de ta vie t’es tu sentie libre et légère ?

Oh, il y en a des milliers. Le plus souvent, c’est dans des moments de joie partagée, de fête, de danse, d’amitié, d’amour, où j’ai tout à coup la conscience lucide d’être exactement là où je dois être. Ca m’est
également arrivé pendant ma grossesse, pendant mon accouchement et pendant les mois qui ont suivi.
Mais ça m’arrive aussi parfois dans des moments justement plus difficiles, plus pesants et compliqués, où la conscience de la possibilité d’une légèreté « malgré tout » me permet de respirer et de retrouver tout à coup la fraîcheur nécessaire pour faire face.

As-tu déjà dansé sous une pluie d’orage ?

Oui ! J’ai le souvenir d’une scène : on était enfants et adolescents, avec mes frères et sœur et ma maman, nous jouions dehors, profitions du jardin, il faisait très chaud. Il a commencé à pleuvoir, et au lieu de tout rentrer, on est restés dehors, sous la pluie, dansant de joie et profitant de la fraîcheur de l’eau du ciel. Au camp scout également, dès qu’il pleuvait mais que la température extérieure rendait l’expérience agréable, on restait sous la pluie pour s’y laver.

Que ferais-tu d’une journée à toi ?

Olala je n’ose même pas y penser.

Et juste une heure ?

Ca fait trois jours que dès que j’ai une heure à moi, je réponds à ce questionnaire ! Hihi ! Mais sinon, dès que je te l’aurai envoyé, je prendrais cette nouvelle heure offerte pour me poser avec mon bouquin !

Quelle est ta manière de prendre du temps pour toi ? As-tu un rituel qui te fait du bien ?

Alors, c’est certainement le pire moment pour me poser cette question. Ca a été une des choses les plus compliquées cette année : trouver du temps « pour moi », trouver comment prendre du temps pour moi.
Cette année a été très « éclatée » en termes de travail, de confinement, de projets… J’ai dû jongler toute l’année entre un quotidien seule avec mon bébé, du télétravail, mes (envies de) projets personnels et de solitude et mon besoin de socialiser. Je me suis souvent sentie enfermée dans mon seul rôle de mère, à devoir être à 100% présente pour mon fils sans rien pouvoir envisager d’autre.

Puis je me suis mise en mode « profite de ce que tu as », en me disant que vivre une première année aussi intense avec un bébé était avant tout une chance, que prendre soin de lui c’était aussi en quelque sorte prendre soin de moi, et que ce n’était pas grave de se mettre un peu entre parenthèses, de renoncer temporairement à des envies, des projets. J’ai aussi passé de très beaux moments amoureux et amicaux, des moments de déconnexion qui m’ont redonné de l’énergie.


Comment mêles-tu et combines-tu tes rôles de Femme Mère Épouse Amie ?

Je crois que pendant la première année de vie d’un enfant, et particulièrement en cette année 2020, il est légitime de ne pas réussir pleinement à « combiner les rôles ». Cette année, j’ai été beaucoup
beaucoup beaucoup beaucoup, immensément et avant tout
, mère. Je suis toujours amoureuse, amie, et tout le reste évidemment, mais en pointillés. Mais je crois qu’il s’agit de périodes, de cycles, de rythmes
à trouver, et que je ne resterai pas « mère avant tout » durant toute ma vie.

As-tu dans ton chez-toi, une chambre à toi, c’est à dire, un petit endroit rien qu’à toi pour rêver, réfléchir, te reposer, écrire, dessiner, créer ? Que représente cette pièce pour toi ?

Comme je te le disais plus haut, on a installé un bureau dans une petite pièce de « passage » pour que je puisse y télétravailler. En fait, notre porte d’entrée donne directement sur l’escalier, donc c’est une pièce ouverte et un peu fourre-tout, qui revêt plusieurs utilités : hall d’entrée, buanderie, bureau… C’est là que je travaille quand je travaille de chez moi, mais c’est aussi là qu’on fait sécher le linge, qu’on a mis l’arbre à chats, qu’on retire nos chaussures, qu’on dépose le courrier et nos clés quand on rentre, qu’on
entrepose nos archives, des caisses de fringues, et plein de choses qui traînent… C’est vraiment une pièce « à brols », difficile à garder rangée… Je rêve, évidemment, d’une pièce qui serait à moi seule.
Une chambre ou un « lieu », terme qu’a choisi Marie Darrieussecq pour sa traduction de l’immense livre auquel tu fais référence. Un lieu où je pourrais lire, écrire, travailler, me cacher, me retrouver, mais pour
le moment chez nous même notre chambre conjugale n’a pas encore de murs ! Il n’y a que Maurice qui possède une vraie chambre à lui. En attendant, j’ai aménagé ce bureau avec des images, des gri-gris, des cailloux, il est inondé de livres, de petits mots, de cartes postales, de carnets : il me ressemble.
J’aime, finalement, qu’il soit aussi un lieu de passage, traversé de mille pas, de courants d’air et de préoccupations autres que les miennes.

Cultives tu un jardin ? un petit bout de balcon ? qu’y fais-tu pousser ? Que ressens-tu quand ça pousse?

Oui ! J’ai une véritable « jungle urbaine » dans mon appartement : plein de pileas, monsteras adansonii et deliciosa, diverses calatheas, philodendrons, un bananier, aloe vera, bambou, avocatier, citronnier, succulentes, cactus, chlorophytes,… J’en oublie plein ! J’avais essayé de les compter une fois, je crois que j’en ai plus de quarante dans tout l’appartement. Et pourtant je crois qu’à la base je n’avais pas spécialement la main verte, elles poussent juste très bien dans cet appartement au dernier étage,
lumineux et aéré. Ce sont mes petites chéries et quand l’une ou l’autre va moins bien ça me met un peu mal (mon avocatier récemment m’a fait une frayeur !).

Je me disais, avant d’avoir Maurice, que j’espérais qu’il pousserait aussi bien que mes plantes. Nous avons aussi des jardinières sur le balcon, mais c’est surtout mon amoureux qui s’en occupe, avec une partie d’herbes aromatiques, et puis des fleurs. Nous avons également un cerisier dans un énorme pot, qui nous a été offert par notre bande d’amis à notre
mariage civil, et qui symbolise notre amour et notre vie à deux.

Thé ou café ?
Café le matin, thé le reste de la journée

Lève-tôt ou couche-tard ?
Les deux !

Le coin des p’tits préférés


ton produit de beauté préféré ? De l’anti-cernes
ton vêtement d’été préféré? Un blazer léger à motifs jungle
ta crême préférée ? ll faudrait que je me trouve une bonne crème ! J’en ai une que je mets si peu souvent que je ne connais même pas son nom. C’est une crème de jour de la marque Avril.
ton thé préféré ? Le thé glacé que je fais moi-même en été pour les amis qui viennent dire bonjour
ton film ( ou série) préféré(e) ? Il y en a vraiment trop pour que je puisse en identifier un ! J’aime les histoires de femmes et d’amitiés, les drames amoureux, les destins singuliers, les atmosphères riches. Spontanément, je pense à Mustang, à Thelma et Louise, au Portrait de la Jeune fille en feu, à
Alabama Monroe, à Tout sur ma mère, à Laurence Anyways… Je regarde aussi des dessins animés et films d’animation que mon amoureux adore. Premiers souvenirs spontanés : Le vent se lève, Ma vie de courgette, Coco, Vice-Versa

ton stylo préféré ? Mes deux stylos plume en bois Lamy, un avec un capuchon bleu, l’autre avec un capuchon rouge.
ton resto préféré ? Hors Champs, le resto de Stefan Jacobs, près de Gembloux. Une cuisine créative, magnifique, un feu d’artifice pour les papilles, un travail très généreux, avec des produits de
saison et de grande qualité. Ils ont également des chambres d’hôtes !

ta librairie préférée ? Les yeux gourmands, près du Parvis, à Saint-Gilles, ma commune. Une petite librairie dont la sélection n’est pas immense mais précise et intéressante, et correspond à mes goûts de lecture. Un des libraires est un ami et il est toujours de bon conseil !
ton poème préféré ? Il faudrait que je les relise pour identifier mon préféré. Ce serait sans doute du René Char ou du Michaux côté hommes. Côté femmes, peut-être Andrée Chedid ou Wislawa Szymborska. Je ne connais aucun poème par cœur, juste de courts extraits, souvent un peu « mantras ». (« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience », « Ne te courbe que pour aimer » (René Char) « Pourquoi me sentirais-je seul ? notre planète n’est-elle pas
dans la Voie lactée ?
» (Thoreau) « Ne désespérez jamais. Faites infuser davantage » (Michaux)

ton livre sur la/les femme(s), et la féminité préféré ? Je suis en train de lire « Présentes » de Lauren Bastide, qui me semble un très bon état des lieux, très bien documenté, de l’état du féminisme actuel – je le conseille à toutes celles qui s’intéressent de loin à ces questions mais ne savent pas
spécialement par où commencer. Il se lit super facilement, l’écriture est simple et fluide, le tout est très intelligemment mis en forme et très clair ! Je l’offrirai aussi à des hommes.

ton « au choix » préféré ? « Les argonautes » de Maggie Nelson. J’ai l’impression que peu de gens autour de moi connaissent ce livre entre essai et autobiographie, qui est juste une merveille d’intelligence. Je l’ai lu deux fois en deux ans. Ah et aussi, plus récemment, le podcast « Ou peut-être
une nuit
» de Charlotte Pudlowski de Louie Media. A mettre absolument dans toutes les oreilles ! (TW inceste TW violences sexuelles TW pédophilie)


Comment s’exprime ta créativité ? Surtout dans l’écriture, mais aussi un peu dans la photographie, et plus récemment dans les activités proposées à mon fils ahah


Qu’est-ce qui t’inspires ? Mes lectures, mes écoutes, mes amies, mes amours, mes rencontres, mes trajectoires, mon enfant.


Le coin des p’tits secrets de Reines


Une recette de saison adorée ? Une bonne lasagne de légumes !

Un secret de femme que tu souhaites confier, transmettre à d’autres femmes ? La sororité : plus tu soutiens les autres, plus tu te sens bien.


Quand rien ne va, prends-tu extrêmement soin de toi ? – Si oui, de quelle façon le fais-tu ? Je ne le fais pas du tout assez, mais j’y travaille… Et puis, « quand rien ne va » : ça n’existe pas !


Comment vis-tu le temps qui passe, le fait de prendre de l’âge, de changer physiquement ?As-tu une recette de jeunesse ?

Ca fait trois ans que je me dis qu’il faut que je me crée un rituel du
matin pour bien mettre de la crème de jour et garder une belle peau. Ca fait trois ans et je ne le fais toujours pas. Ca en dit long, non ? Physiquement, j’avoue que le temps qui passe ne me préoccupe pas trop. Je sais que la gêne provoquée par ces nouvelles rides qui barrent mon front ou qui étoilent
mes yeux est une construction sociétale, et j’aimerais qu’elle ne me prenne pas trop d’énergie ni ne me rajoute une charge mentale trop lourde. Ce qui me préoccupe davantage par contre, c’est que chaque année passée est une année en moins à vivre. Et les années, décidément, passent si vite.


Questions de Femmes à Femme

  • Dans ta vie, y a t-il une chose que tu rêves de faire, mais que tu ne fais pas ? Quelle est cette chose ? Qu’est ce qui t’empêche de le faire ? L’idée me travaille depuis très longtemps d’écrire un
    vrai grand projet
    , qui prendrait certainement la forme d’un roman. Je ne le fais pas pour diverses raisons : d’abord un syndrome de l’imposteur persistant et une forme de pudeur, une crainte de partager ce qui réside de moi dans mon écriture. Aujourd’hui, je crois que je pourrais dealer avec ces premières « excuses », d’autant que plusieurs personnes m’encouragent, me répètent que je devrais me lancer, mais j’ai maintenant le sentiment que j’ai besoin d’un grand horizon « vide » pour me lancer dans ce projet : du temps, beaucoup de temps, de la disponibilité d’esprit, de la solitude, de l’espace et du silence pour pouvoir m’y atteler vraiment. Ma vie ne m’a jusqu’à présent jamais offert ce temps et cet espace : il y a le travail, les obligations, le quotidien, et puis l’enfant maintenant… J’admire vraiment les gens qui arrivent à combiner un travail d’écriture à grande échelle et un quotidien non-délivré du besoin
    d’argent. Je crois vraiment que je ne pourrai réussir à mener ce type de projet que le jour où je diminuerai radicalement mon temps de travail (et encore ! ça ne veut pas dire que ce sera gagné !)
  • Quelle loi aimerais-tu faire voter pour faire avancer les droits des femmes dans notre pays ?
    Très clairement un allongement du congé de paternité / coparentalité.
  • Quelle est la chanson qui te fait vibrer et te sentir belle de l’intérieur, qui te fait danser, qui te fait fermer les yeux avec le sourire aux lèvres ? Pour le moment, j’écoute en boucle avec Maurice « Kuzola » de Pongo. On danse tous les deux comme des fous sur cette musique envoûtante et cyclique.

  • Partages-nous ta citation (ou tes !) préférée(s) J’en ai déjà partagé quelques-unes au cours de mes réponses !
    Un petit dernier pour la route : « L’enfant possède une chose que l’adulte cherche désespérément tout au long de son existence : un refuge. Ce sont les parois de l’utérus avec tous les nutriments affluant quotidiennement qu’il faut parfois arriver à reconstruire autour de soi. J’ai l’étrange impression que lorsqu’on échoue, le monde cherche à nous y remettre par un coup du sort, quelque chose du dehors nous rappelle à la vie intérieure en nous enfermant dans un huis clos a priori lugubre, mais en réalité
    salvateur.
    » Nastassja Martin, Croire aux fauves.

Juliette, ta joie de vivre n’a d’égal que ton sourire généreux. Tes mots sont comme un bocal de mille bonbons colorés que l’on peut déguster sans grossir : un plaisir sans culpabilité ! Merci pour Laurence Anyways que je ne connaissais pas, moi qui aime tant l’univers de Dolan. C’était bien, le coup de la brique rose 😉

Et merci pour Alabama Monroe, j’ai faillé arrêter à vingt et une minutes, c’était trop dur, et puis, j’ai tenu bon, il y avait un truc à vivre quoi ! J’ai pleuré.

« Quand rien ne va » n’existe pas. Tu as raison.

Heureuse j’ai été que tu acceptes de répondre et chanceuses toutes celles ( et ceux) qui vont pouvoir te lire et et découvrir !

Je t’embrasse.

Cenina.

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1 commentaire

  1. […] pour participer à son projet de Conversations, que je vous invite à toutes lire ! Dans la mienne (que vous pouvez lire ici), je parle aussi de maternité – mais pas […]

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