Conversation d'été Conversations La Femme

Conversation d’éte – Lisa –

Give me a reason to love you, give me a reason to be a woman, i just wanna be a woman 

Portishead, Glory Box

Lisa lit, Lisa écrit, Lisa est une femme magnifique. Elle boit du café, flâne dans les rues, aime son lit, ses enfants et les gens et la vie qui défile. Elle se confie ici et je lui dis merci pour ces mots, ses mots.

Lisa est dans les librairies avec Eparse et Un garçon c’est presque rien ( à paraître le 26 août) et là sur Instagram.

Il serait question d’aimer, il serait question de raconter. C’est ce qui se fait de nos jours, raconter. Mettre en mots. Encrer. Déverser. La sueur, la moelle, le sang. Le beau comme le sale. Ce qui brûle là, au dedans. Le vivant.

Eparse - Lisa Balavoine

Chère Lisa , où es-tu, que fais-tu, qu’entends-tu ?

C’est le milieu de juillet, je suis en vacances, avec mes enfants, à Paris. Gilles et Erika, des amis qui me sont chers, m’ont gentiment prêté leur appartement. Je suis dans leur salon, l’ordinateur est posé sur une grande table en bois, j’entends les bruits de la rue, des exclamations d’enfants, des ouvriers qui travaillent en bas de l’immeuble, peu de bruits de voiture. Je bois un café, cela doit être le troisième, j’attends que mon fils se lève pour que nous puissions aller nous promener.

Présentes-toi, qui es-tu ?

Je suis une femme de 45 ans, je me prénomme Lisa et j’aime mon prénom, j’ai des jours avec et des jours sans. J’ai trois enfants adolescents dont deux filles qui ont ou vont quitter la maison, je suis professeure documentaliste dans un lycée du nord de la France dont je suis originaire, j’écris des romans parfois (enfin j’essaie, et puis de la poésie aussi), je lis beaucoup l’écriture des autres, je prends beaucoup de photographies, j’écoute beaucoup de musique et j’aime très fort un garçon qui n’habite pas avec moi.

C’est l’été ! Qu’évoque cette saison pour toi ? As-tu toujours ressenti cela ? 

L’été, c’est deux mois de vacances pour moi depuis toujours, puisque je suis enseignante. C’est une période à la fois longue et courte, c’est un moment suspendu. C’est souvent un temps où je quitte ma maison pour vadrouiller un peu partout, avec mes petits moyens, pas aussi loin que je le voudrais, mais c’est bien déjà d’avoir cette chance-là, beaucoup de personnes ne l’ont pas. L’été, c’est aussi le souvenir des vacances avec des parents divorcés, le club de plage de Saint Jean de Monts, l’Espagne avec mes grands-parents et faire le trajet dans le coffre de la voiture aménagé en couchette, un camping à Saint Malo avec ma mère, le sud ouest avec mon père. Plus tard, ce sont des étés joyeux avec mes enfants et leur père, la montagne, des soirées entre amis qui s’éternisent, du rosé dans des gobelets en plastique, un été entier au Québec. L’été, c’est l’aventure depuis, les amis qui m’accueillent, les festivals d’été, l’océan dès que je peux, l’amour quand il est là. C’est une saison que j’aime, même si j’ai toujours cette envie étrange de pouvoir remettre des jeans et des bottines et de rentrer chez moi, ce que je ne m’explique pas vraiment car j’attends l’été le reste du temps.

En été, le moment du jour que tu préfères ?

Le soir qui tarde, la lumière qui change, un pique-nique improvisé, regarder le soleil s’éteindre et faire durer la nuit.

Raconte-moi ton quotidien en été, tes petites habitudes estivales, en quelques mots ..

Je n’ai pas de réel quotidien, ni d’habitudes, j’aime au contraire ne rien prévoir et me laisser aller aux surprises de l’endroit où je suis. Je marche beaucoup, j’aime déambuler, flâner, glaner, glander. J’aime aussi les petites soirées en terrasse, sur un balcon, je bois plus que le reste de l’année, mais c’est quand même chouette un verre de vin bien frais pris avec des gens qu’on aime. C’est aussi un moment que je passe encore un peu avec mes enfants, avant qu’ils fassent leur vie à eux.

De quelle manière « cherches » tu à te sentir bien, à aller mieux, à être heureuse ?

Je ne le cherche pas, mais parfois cela arrive et alors je mesure ma chance, me sentir heureuse, même un court instant, car la vie n’est faite que de cela, de petits moments mis bout à bout mais qui souvent ne durent pas. Je préfère accueillir le bonheur que le chercher car je ne crois pas que cela se provoque, même si cela peut se construire.

Parle-nous de ta féminité … C’est quoi pour toi, être une Femme ?

Ma féminité est assez « cliché » je crois, je porte les cheveux longs, j’aime avoir les ongles vernis, les yeux un peu maquillés. Je porte autant des jupes que des jeans, j’aime les talons, je porte peu de bijoux en revanche. Je crois que ma féminité est en accord avec celle que je suis, rock et sentimentale, comme un mec m’a dit une fois. Ce n’est pas quelque chose que je travaille particulièrement, je crois que dans ce domaine je ressemble à ma mère, on me dit assez souvent que je suis « sexy » alors que je ne me vois pas ainsi, je n’ai pas vraiment confiance en moi, mais la maladresse rend sexy je crois. Ma féminité, c’est aussi une forme de sensibilité, d’attention au monde et aux choses et c’est aussi une qualité que j’aime retrouver chez un homme. Je crois que nous sommes tous un peu masculin et féminin à la fois, qu’il faut se détacher des carcans dans laquelle la société nous place.

Etre une femme, c’est évoluer dans la minorité, c’est un fait. C’est encore dans la société actuelle devoir faire plus d’efforts qu’un homme. Mais de plus en plus, c’est une liberté. Je crois beaucoup à la génération qui vient, qui assume des physiques moins normés, qui choisit de ne pas avoir d’enfants, qui fait davantage entendre sa voix. Etre femme, c’est un chemin, une trajectoire, je crois que nous sommes en route et que plus rien ne nous arrêtera.

Et la solitude ? est-ce un moment recherché, attendu ou au contraire, subi pour toi ?

La solitude ne me dérange pas, elle m’accompagne et je l’apprécie, sauf pendant le confinement où j’ai étrangement eu l’impression d’en souffrir. J’aime les moments seule, ne rendre de compte à personne, manger quand j’en ai envie, ou ne pas manger, prendre un bain pendant des heures, regarder tous les épisodes d’une série d’un coup, n’en avoir rien à faire de rien, j’aime bien.

Qu’évoque pour toi le féminin « sauvage » ?

Quelque chose que je ne suis pas, je ne crois pas être sauvage. Je suis quelqu’un qui aime contrôler les choses, les situations, même si je lâche de plus en plus en vieillissant et que c’est bon de parvenir à lâcher prise. C’est un long travail sur soi quand on a été élevé de façon inverse. Et puis je n’aime pas vraiment le mot « sauvage », ni l’idée de sauvagerie, je l’associe à des images négatives, liées sans doute à mes études de lettres dans lesquelles le sauvage est clairement péjoratif. Je préférerais employer le terme « libre ».

A quels moments de ta vie t’es tu sentie libre et légère ?

Ce sont surtout des moments récents, acquis avec le temps et l’expérience. Je me sens libre dans le sens où j’ai choisi ma liberté, où je vis dans un pays où ma féminité n’est pas contrainte (ce qui n’exclut pas les problèmes de violence et de domination patriarcale, mais c’est un autre débat).

Je me sens libre d’être celle que j’ai envie d’être, je ne cherche plus autant à plaire qu’avant, même si je suis encore trop sensible au regard des autres.

Je me sens libre dans mon corps, même s’il n’est pas parfait, qu’il m’agace parfois, mais je me sens enfin en paix avec moi, ça m’a pris beaucoup de temps pour en arriver là.

Je me sens légère quand j’aime et que je suis aimée, dans ma tête, mon ventre, ma peau, ma sexualité, mon coeur.

As-tu déjà dansé sous une pluie d’orage ?

C’est arrivé, l’été, sur une plage. Je sais que mon amoureux adore marcher sous la pluie d’orage, j’aimerais vivre ça avec lui.

Que ferais-tu d’une journée à toi ?

Je la passerais au lit (mais je fais tout au lit, regarder un film, lire, écrire, et puis l’amour aussi).

Et juste une heure ?

J’irai nager.

Quelle est ta manière de prendre du temps pour toi ? As-tu un rituel qui te fait du bien ?

Clairement le bain est un peu ma base, même si ce n’est pas écolo, je sais bien. De la musique tout le temps, au casque souvent. Un verre de vin. Et les chaussures, j’adore les chaussures, je trouve qu’on se sent belle quand on porte de belles pompes.

Réussis- tu à combiner tes rôles de Femme Mère Épouse Amie ? Comment y arrives-tu ?

Mes enfants diraient que non, ils trouvent que je ne suis pas toujours assez disponible, j’ai abandonné l’idée d’être une mère parfaite, mais nous parlons beaucoup, de tout, et j’entends leurs reproches et je tente de les corriger. J’essaie aussi d’être une bonne amie, à l’écoute, attentive, je n’y parviens pas toujours, mais j’essaie. Amoureusement, je ne sais pas comment me décrire, j’essaie de trouver la juste place, de ne pas étouffer l’autre tout en étant présente. Je crois que si on est honnête avec soi et les autres, sur nos forces et nos faiblesses, on parvient à tout concilier.

As-tu dans ton chez-toi, une chambre à toi, c’est à dire, un petit endroit rien qu’à toi pour rêver, réfléchir, te reposer, écrire, dessiner, créer ? Que représente cette pièce pour toi ?

J’ai juste ma chambre, je n’ai pas de bureau, mais cela m’importe peu car je n’ai pas besoin de grand chose. Je suis la plupart du temps dans ma cuisine, c’est la pièce dans laquelle j’écris, sur la table en formica rouge, la fenêtre ouverte sur l’extérieur. Et surtout, dans le silence et toute seule.

Cultives tu un jardin ? un petit bout de balcon ? qu’y fais-tu pousser ? Que ressens-tu quand ça pousse?

Je ne cultive rien, je suis nulle avec les plantes, en tous cas je suis persuadée de l’être, je me suis habituée à cette idée, mais j’aime visiter des jardins l’été, j’aime arroser les plantes dans les appartements des autres.

Thé ou café ?

Depuis une dizaine d’années, je suis accro au café, j’ai presque abandonné le thé, sauf l’après-midi parfois, à l’anglaise.

Lève-tôt ou couche-tard ?

Couche-très-tard, définitivement et lève-plus-tôt-qu’avant, je vieillis et je dors moins, moins longtemps et moins bien.

Le coin des p’tits préférés

  • ton produit de beauté préféré ? L’été, le gel douche au monoï, le reste du temps mon parfum, Féminité du Bois, de Serge Lutens.
  • tes collants préférés ? Les résilles et les plumetis, j’adore les collants, les bas ne tiennent pas sur mes cuisses, ils glissent tout le temps.
  • ta crème préférée ? Je m’en fiche un peu des crèmes, disons une crème sans odeur trop forte, pas grasse, qui laisse la peau douce, un conseil à me donner ?
  • Ton thé préféré ? Le thé au jasmin.
  • ton film ( ou série) préféré(e) ? Je n’ai pas de film préféré mais Comment je me suis disputé … est un film que je regarde chaque année avec le même plaisir.
  • ton stylo préféré ? J’écris le plus souvent au feutre noir.
  • ton resto préféré ? La cuisine de mon amoureux vaut tous les restos.
  • ta librairie préférée ? Plus que des librairies, j’aime des libraires, quelques-uns en particulier, Cécile, Mika, Charlotte, Anne, Louis … ils se reconnaitront.
  • ton poème préféré ? Tu es plus belle que le ciel et la mer, de Blaise Cendrars.
  • ton « au choix » préféré ? La chanson que j’écoute cet été, 35, de Bill Callahan.
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amant quitte ton amante
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises
Il y a l'air il y a le vent
Les montagnes l'eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre
Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends
Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir boire
Siffler
Et apprendre à travailler
Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va t-en
Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l'oeil
Je prends mon bain et je regarde
Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t'aime

Blaise Cendrars

Aux beaux jours, quel est l’accessoire ou le vêtement qui te fait te sentir belle ?

La peau légèrement hâlée des jambes nues, c’est ce qui est le plus joli.

Comment s’exprime ta créativité ?

C’est très difficile de le dire, je ne sais pas si je suis très créative, mais si oui j’essaie de l’être dans ma façon d’observer les choses, les gens, les émotions et d’en rendre compte, en l’écrivant, en le photographiant, en le vivant.

Qu’est-ce qui t’inspire ?

Le quotidien, les toutes petites choses, un détail, errer dans une ville que je ne connais pas, observer des gens depuis une terrasse, visiter une exposition, lire des mots bouleversants, écouter une chanson pour la millième fois comme si c’était la première, regarder le ciel bouger, deviner le grain d’une peau, écouter le son d’une voix qui me parle.

Le coin des p’tits secrets de Reines

  • Une recette de saison adorée ? Très simple, tomates et mozza avec du basilic frais et une bonne huile d’olive.
  • Un secret de femme que tu souhaites confier, transmettre à d’autres femmes ? Etre bienveillante avec soi, savoir se pardonner.
  • Quand rien ne va, prends-tu extrêmement soin de toi ? – Si oui, de quelle façon le fais-tu ? Je pleure, ça vide, ça nettoie, ça soulage.
  • Comment vis-tu le temps qui passe, le fait de prendre de l’âge, de changer physiquement ? As-tu une recette de jeunesse ? Je le vis comme je peux, dans un monde où on empêche les femmes de vieillir (ce qui n’est pas le cas des hommes). J’observe mes rides qui sont désormais bien installées, certaines sont jolies, d’autres m’attristent. Je prends du poids que je ne parviens plus à perdre, tout se relâche un peu … mais je relâche la pression aussi. Je n’ai plus 20 ans, ni 30, ni même 40. Pour autant, je ne me sens pas finie, ni fichue, je connais mes atouts, je sais ce que j’aime en moi et j’ai envie d’être en accord avec celle que je suis intérieurement. Je trouve les femmes de 45 ans belles et fortes et je crois qu’il faut combattre cette quête essentielle de jeunesse, c’est un combat perdu d’avance. Je ne sais que penser de la chirurgie, pour le moment je n’en ai pas envie, mais je ne juge pas. Et puis je déteste le sport, alors j’ai le corps qui va avec ça et c’est pas grave. Aucune recette donc, si ce n’est l’amour, qui illumine le teint et le regard.
  • Dans ta vie, y a t-il une chose que tu rêves de faire, mais que tu ne fais pas ? Quelle est cette chose ? Qu’est ce qui t’empêche de le faire ? Voyager loin et longtemps, par manque d’argent, un jour peut-être.
  • Quels sont tes modèles, tes inspirations féminines, comment les rencontres-tu ? Mes modèles, si j’en ai, sont des femmes que j’observe au quotidien. Mes grands-mères, mes amies, des inconnues. Les femmes qui m’inspirent sont celles qui s’en sortent, qui sont justes avec elles-mêmes et les autres.
  • J’ai bien évidemment des modèles célèbres, ce sont souvent des femmes qui sont ou ont été artistes, écrivaines, musiciennes, penseuses, des femmes fortes. Sans ordre, je dirais entre autres Virginia Woolf, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Simone Veil, Virginie Despentes, Françoise Sagan, Barbara, PJ Harvey, Kim Gordon, Debbie Harry, Gena Rowlands, Diane Arbus, Chantal Akerman, Céline Sciamma, Adèle Haenel …
  • Une question que tu poserais, toi, à une autre femme dans une Conversation de Saison ? Quelle loi aimerais-tu faire voter pour faire avancer les droits des femmes dans notre pays ?
  • Partages-nous ta citation ( ou tes !) préférée(s)

La vie, voyez-vous, ce n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit 

Maupassant – (Une vie)

 Give me a reason to love you, give me a reason to be a woman, i just wanna be a woman 

Portishead, Glory Box

Et puis, en ce moment, les collages féministes sur les murs, j’ai l’impression que quelque chose bouge enfin dans cette société et qu’un jour ce sera différent pour nous les femmes.

Lisa, merci POUR TOUT. Quelque chose bouge assurément, tout est mouvement. Ah ! et pour une crème douce et sans odeur, j’aime beaucoup celle-ci ! Bonne route à toi,

Cenina

I'm so tired
Of playing
Playing with this bow and arrow
Gonna give my heart away
Leave it to the other girls to play
For I've been a temptress too long
Just
Give me a reason
To love you
Give me a reason to be
A woman
I just want to be a woman
From this time, unchained
We're all looking at a different picture
Through this new frame of mind
A thousand flowers could bloom
Move over, and give us some room, yeah
Give me a reason
To love you
Give me a reason to be
A woman
I just want to be a woman
So don't you stop
Being a man
Just take a little look
From outside when you can
Sow a little tenderness
No matter if you cry
Give me a reason
To love you
Give me a reason to be
A woman
I just want to be a woman
It's all I want to be
Is all woman
For this is the beginning
Of forever
And ever
It's time to move over
It's all I wanna be
I'm so tired
Of playing
Playing with this bow and arrow
Gonna give my heart away
Leave it to the other girls to play
For I've been a temptress too long
Just
Give me a reason, to love you

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2 commentaires

  1. Ohlala quelle surprise et quelle joie de lire Lisa ici

    1. Cenina a dit :

      oui, j’en suis ravie !

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